Avez-vous déjà ressenti ce sentiment de paix profonde en entrant dans un jardin ? Cette impression que tout est à sa place, que l’espace respire et nous enveloppe doucement, comme un cocon végétal. Ce n’est pas un hasard. Ce que vous ressentez à ce moment-là est profondément ancré en vous. Il s’agit d’un réflexe, d’un écho à notre évolution.
D’après la psychologie évolutionniste, notre façon de percevoir les paysages — et donc les jardins — est en partie dictée par notre évolution. Nos préférences pour certains types d’aménagements ne seraient pas seulement culturelles ou esthétiques : elles répondent à des instincts primitifs liés à notre survie.

C’est dans cette optique que le géographe Jay Appleton a formulé dans les années 1970 une idée brillante : le concept de « Prospection / Refuge », développé dans son ouvrage The Experience of Landscape.
Selon lui, les paysages qui nous procurent le plus de satisfaction sont ceux qui permettent à la fois :
- La prospection : une bonne vue d’ensemble, claire, lisible, dégagée,
- Et le refuge : un sentiment de sécurité, d’abri, de protection.
Autrement dit, nous sommes naturellement attirés par les lieux où nous pouvons voir sans être vus. Et ce besoin fondamental, hérité de notre passé de chasseurs-cueilleurs, se manifeste encore aujourd’hui dans la manière dont nous percevons les jardins.
Comment cela se traduit-il concrètement dans la conception de jardins ?
L’enseignant et concepteur Nigel Dunnett — un des grands noms du jardin naturaliste — a repris cette idée dans une approche plus contemporaine. Il propose une pyramide des besoins adaptée au jardinage, librement inspirée de celle de Maslow. Cette grille de lecture permet de concevoir des plantations naturalistes capables de répondre à nos besoins psychologiques… tout en favorisant la biodiversité.
La figure ci-dessous reprend la pyramide de Maslow adaptée. Elle provient de son livre « Plantations naturalistes : introduire la nature dans les espaces verts et les jardins » dont je vous conseille vivement la lecture 😉

Voici les trois niveaux de cette pyramide :
1. Le besoin de structure (le socle de la pyramide)
C’est ce qui permet au visiteur de se sentir à l’aise, même dans un jardin très fleuri ou un peu sauvage. Cela passe par des repères visuels : un chemin tondu qui borde une prairie de fleurs sauvages, une haie structurante, etc. Ces éléments permettent d’amener le sentiment d’intimité, d’ordre et de contrôle dont l’être humain a besoin pour apprécier une expérience naturaliste.
Cela correspond directement au besoin de refuge. Le jardin reste lisible, ordonné, sans être figé. C’est grâce à ces éléments que le cerveau peut « lâcher prise » et se détendre.
2. Le besoin de lisibilité
Une plantation peut être très riche, mais les éléments clés de la plantation doivent pouvoir se lire d’un seul coup d’œil. Cela peut passer par la répétition de certains végétaux, des masses homogènes, une variation rythmée des textures ou des couleurs.
Ce niveau rejoint la prospection. Il facilite l’analyse de l’espace, et permet au promeneur de comprendre la logique du jardin sans effort.
3. Le besoin émotionnel
C’est le sommet de la pyramide. Une fois les deux niveaux précédents satisfaits, le jardin peut devenir une véritable source d’émerveillement. Ici, c’est l’émotion qui prime : une composition audacieuse, une couleur qui éclate, une association inattendue de plantes… Tout ce qui vient réveiller notre sensibilité.
Ce niveau correspond à ce que je recherche lorsque je conçois un jardin fleuri : un moment suspendu, une bouffée de beauté, un lien direct avec la nature.
Quand le jardin répond à tous nos besoins fondamentaux…
Ce que je trouve fascinant, c’est qu’un jardin bien pensé peut littéralement réveiller nos instincts primitifs. Il peut nous rassurer, nous apaiser, nous faire vibrer. Un bon jardin ne se contente pas d’être joli. Il répond à notre besoin profond de sécurité, de compréhension et d’émotion.
C’est pourquoi je pense que chaque jardin mérite d’être envisagé comme un espace à la fois esthétique et de bien-être. Un lieu qui soigne l’âme, tout autant que la planète.
Et vous, avez-vous déjà ressenti ce frisson d’harmonie en vous promenant dans un jardin ? Cette impression d’être exactement à votre place, au bon moment ? Je serais ravie de lire vos ressentis ou vos expériences en commentaire.
💬 Partagez-moi ce que votre jardin vous fait ressentir… ou ce que vous aimeriez y vivre. Les mots ont le pouvoir de faire germer de belles idées.